Espérance 27 le mag

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Du Texas à la Normandie, itinéraire d’une actrice

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vendredi 11 janvier, Sainte-Colombe-la-Commanderie.

 

Derrière son micro, le casque sur les oreilles et les yeux rivés sur son écran d’ordinateur, Stephanie écoute l’enregistrement qu’elle vient de faire pour l’audition d’une voix off. Elle reprend une partie du texte en anglais qu’on lui a demandé d'interpréter, arrange cette version avec une précédente.

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« Le client trouvait que j’avais un accent trop américain dans mon premier enregistrement. Il m’a demandé de faire un second essai » explique la jeune femme.

Avec dextérité, Stephanie réduit un « bruit de bouche », diminue une plage de silence et effectue quelques autres corrections. Autant de légères imperfections qui passeraient inaperçues pour la plupart d’entre nous. 

Après une ultime vérification, Stephanie envoie par mail le fichier audio. Le processus n’aura pas pris plus de 30 minutes. 

 

Voice over

« Mange prie, aime »

Pas un mot de Français

Des Bretzels

Studio d’enregistrement

"Voice over" 

Voilà six mois que la jeune femme originaire du Texas, est devenue « voice over » et a installé un studio d’enregistrement chez elle. En France, on parle plus volontiers de « voix off », regroupant les différents types enregistrements effectués par des acteurs restant invisibles à l’écran. Une pratique usuelle dans les cours en ligne, les présentations (vidéo, powerpoint…), les annonces téléphoniques, le doublage de films et séries (un milieu très fermé) mais aussi de vidéos destinées à Internet…

« J’ai toujours voulu être actrice » explique Stephanie. Un rêve que la jeune femme met entre parenthèses lorsqu’elle est arrive en France, en 2010. 

 

« Mange, prie, aime »

Stephanie est née au Texas mais elle a grandi dans l’Ohio. Elle fait des études de cinéma et de théâtre, notamment à San Diego, une ville qu’elle découvre grâce à sa soeur jumelle qui y réside un temps. « Je suis allée voir ma soeur et je lui ai dit, il n’y a pas de neige ici, je déménage ! » raconte, en riant, la jeune femme.

 

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« Un jour, c’était en 2008,  j’ai lu le livre « Mange, prie, aime » d’Elizabeth Gilbert. L’héroïne fait un voyage en Italie. J’ai eu envie de faire la même chose et j’ai tapé «  travail, Italie » sur Internet. Le premier résultat concernait un emploi d’acteur. Pour moi c’était un signe ! » La jeune femme n’a que quelques jours pour préparer et envoyer sa candidature… qui sera retenue. 

 

Pendant neuf mois, Stephanie travaille dans une troupe de théâtre qui donne des spectacles en anglais devant des étudiants. 300 représentations plus tard, la jeune femme retourne aux Etats-Unis. Mais elle a fait une rencontre décisive en Italie, celle de Luc, un acteur français. Stephanie et Luc se retrouvent alors alternativement en France et aux Etats-Unis. 

 

Pas un mot de Français

 « J’adorais la France et nous avons décidé de nous installer ensemble en région parisienne, se souvient Stephanie. C’était en 2010, je ne parlais pas un mot de Français. La première année a été très dure, aussi à cause des différences culturelles. A cette époque,  je ne vois pas comment je peux devenir actrice, alors j’oublie ce projet. »

 

Malgré la barrière de la langue, Stephanie trouve rapidement un emploi au sein d’International SOS à Levallois-Perret. L’entreprise propose des services de santé et de sécurité à l'international. L’atout de Stephanie, sa langue maternelle bien-sur. « Mais mon responsable m’a rapidement dit que mon niveau de Français était nul et que si je ne m’améliorais pas, j’étais viré dans les six mois  ! J’ai trouvé cela dur à entendre  mais j’ai progressé » résume Stephanie. La jeune femme restera dans l’entreprise six ans. Malgré les difficultés rencontrées, son amour pour la France reste intact. A tel point qu’elle obtient la nationalité française en 2018, ce dont elle est très fière. 

 

« A la naissance de ma fille, nous avons décidé de déménager en Normandie, près des parents de Luc. Avec nos deux emplois, il était très compliqué de faire garder Sophia. »

Stephanie démissionne d’International SOS début 2016 et trouve dans la foulée, un poste de chargée de projets événementiels au sein de Tam-Tam organisation, basée au Neubourg. L’entreprise est spécialisée dans l’organisation d’événementiels, principalement dans le secteur agricole. 

 

Des Bretzels

« J’ai beaucoup appris, notamment sur le monde agricole, explique Stephanie. j’ai été, notamment, interprète durant le Space (Salon international de l'élevage). C’est là que j’ai vu un robot de traite pour la première fois et j’ai été très enthousiaste  face à tant de technologie .»

 

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« J’ai quitté Tam-Tam en décembre 2017, grâce à cette expérience,  je me suis sentie prête à me lancer seule.  Depuis l’âge de 16 ans, j’avais envie de devenir entrepreneuse. A cette époque, j’étais salariée et je faisais des bretzels. je calculais la rentabilité  de la production, ce que gagnait la patronne et je le comparais avec mon salaire ! ».

 

L’idée d’être comédienne refait surface. « Un jour, Luc me dit que l’on cherchait des voix off en anglais. » Stephanie fait alors des recherche qui la convainquent qu’une opportunité existe. « J’ai trouvé une entreprise dans ce domaine qui a accepté de m’accueillir pour que je découvre comment cela se passait dans la pratique. Et cela m’a plu. ». Stephanie réalise également des formations et des stages pour acquérir ou perfectionner les compétences nécessaires à son projet.

 

Le travail de « voix off » demande des techniques d’interprétation variées et une excellente maîtrise de sa voix. L’intonation, le débit sont différents selon qu’il s’agit de l’enregistrement d’une annonce téléphonique, d’une vidéo promotionnelle d’un produit ou d’un livre audio…  Même l'accent peut être travaillé. Quant aux enregistrements à répétition, ils mettent le corps à rude épreuve. Echauffement de la voix, technique de respiration et de gestion du stress  sont  indispensables.  

 

« Pendant mes stages, tout le monde m’a encouragée et m’a dit qu’il y avait des demandes en France pour des voix américaines comme la mienne » se souvient la jeune chef d’entreprise. 

« C’est à ce moment que j’ai pris conscience que ma différence était un avantage. En arrivant en France, il y a neuf ans, j’avais presque honte de mon accent… »

 

Studio d’enregistrement

Mais il s’agit également pour Stephanie de maitriser un environnement empreint de technologique : savoir, par exemple, comment se placer devant un micro dans un studio.

« J’ai d'ailleurs voulu installer mon propre studio d’enregistrement chez moi explique Stephanie. J’ai donc aussi appris l’utilisation d’un logiciel d’enregistrement. C’est un côté de mon travail que j’aime beaucoup. »

C'est le moyen de proposer à ses clients un "produit" fini, un atout supplémentaire indéniable.

« Dans certains cas, je suis retenue et j’effectue l’enregistrement dans un studio à Paris, d’autres fois je le fais moi-même chez moi. »

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« Pour trouver des clients, j’appelle les entreprises pour leur demander si elles ont des besoins dans le domaine. Plus personne n’utilise le téléphone aujourd’hui mais cela fonctionne bien pourtant ! constate Stephanie. Je suis également abonnée à un site qui référence de nombreux castings. Chaque acteur inscrit peut envoyer une démo et proposer son tarif. Mais la concurrence est très forte et j’ai peu de retours pour le moment. »

 

Stephanie a déjà réalisé de nombreux enregistrements, principalement en anglais, pour des organismes de formation de ligne, des vidéos de présentation…. Elle a même enregistré deux vidéos pour un usage interne pour Lancôme et un doublage pour un documentaire « Le mystère de la sainte Lance «  (Pernel Média).

 

« J’ai même eu l’occasion de traduire en anglais une vidéo d’une conférence sur les neurosciences ! Je suis devenue une spécialiste sur le sujet , s’amuse Stephanie.  j'ai également traduit et doublé une vidéo pour MyGO. »

 

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«J’aimerais aussi enregistrer des livres audio. Cela me plait de partager une histoire avec quelqu’un qui n’a pas le temps de lire. Je suis entrain de faire pour la première fois avec « Cobalt », écrit par CG Blade. C’est beaucoup de travail de préparation : lire le texte, référencer les dialogues, décider de la voix de chaque personnage, enregistrer une référence pour chacun… »

 

Autant de projets qui demandent de l’énergie et de l’optimisme, deux qualités dont Stephanie ne manque pas. Il suffit de voir le chemin parcouru en quelques mois pour s’en convaincre.

 

 Laetitia Brémont

 

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A table !

Stephanie s'est adaptée aux différences culturelles, à son arrivée en France. Mais elles ont aussi été source d’amusement. « Mes grands-parents sont venus nous rendre visite. A chaque fois que nous étions invités, les repas duraient quatre heures ! Nous n’avons pas l’habitude de rester si longtemps à table. A la fin de leur séjour, quand nous allions voir quelqu’un, mes grands-parents me disaient « dis, on est pas obligé de rester manger » ! ». 

 

Sur le Net
Le site de Stephanie : www.stephaniematard.com 
et pour les plus curieux, celui de son mari, Luc Matard, comédien : www.lucmatard.com

   

 



21/01/2019
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