La télémédecine, "dites @ !"
La télémédecine, savez-vous exactement ce que c’est ?
Ce n’est certainement pas la solution miracle qui fera disparaître les déserts médicaux mais la télémédecine propose de réels avantages dans certains cas appelés à se développer ; même si certains points, notamment autour de la sécurité des données, doivent être étudiés avec attention.
Petit tour d’horizon de la conférence donnée par l’Agence régionale de santé Normandie et le Conseil territorial de santé Evreux sur le sujet, à Evreux, le 26 mars dernier.
La télémédecine, ce n’est pas nouveau !
La téléconsultation, en pratique
Pas dans n’importe quelles conditions
Où faire une téléconsultation ?
La télémédecine, ce n’est pas nouveau !
La télémédecine regroupe cinq situations dans lesquelles un médecin réalise un diagnostic ou donne son avis à distance. Certains de ces pratiques existent de longue date. Passons-les en revue rapidement :
- la régulation médicale : Et oui, la régulation médicale fait partie de la télémédecine. En cas d’urgence vitale, en appelant le 15, le patient est mis en contact avec un médecin qui réalise un premier diagnostic et oriente vers une prise en charge adaptée si nécessaire (urgences, médecin de garde, généraliste…). La régulation médicale évite l’engorgement des services d’urgence des hôpitaux.
Pour joindre un médecin généraliste de garde, hors urgence vitale, composez le 116 - 117, le week-end (à partir de 12 h le samedi), les jours fériés, du lundi au vendredi à partir de 20 h et jusque 8 h. Vous obtiendrez un conseil médical, et si votre situation l'exige, l’orientation vers un médecin généraliste ou une maison médicale de garde, la prise en charge sans délai par les services de l’aide médicale urgente (Samu) si nécessaire.
- la télésurveillance : un patient bénéficie, à domicile, d’un recueil automatique de données sur son état de santé (tension artérielle par exemple) grâce à un dispositif de mesure. Les informations sont régulièrement transmises à des professionnels de santé. Ces derniers interprètent les résultats et prennent les décisions nécessaires. Pour ce faire, évidemment, le logement du patient doit bénéficier d’une connexion internet satisfaisante. Un tel dispositif évite des hospitalisations.
- la télé-expertise : le patient consulte un médecin qui souhaite, par la suite, prendre l’avis d’un confrère. Cela peut être également un patient qui arrive aux urgences et dont l’état nécessite un avis rapide d’un spécialiste éloigné (traumatisme de la main, de la face…). Cette situation existe de longue date, et se déroule de façon informelle, souvent par appel téléphonique, envoi de photos et d’informations par mail.
Ces échanges sont en cours de formalisation. Une formalisation qui peut apparaître contraignante (notamment en mettant en place un tarif de remboursement géré directement par la sécurité sociale, le patient ne paie pas la consultation) mais vise essentiellement à établir un cadre sécurisé et à résoudre les difficultés rencontrées :
- L’enregistrement des avis donnés n’est pas systématique. En cas de besoin, il n’est donc pas toujours possible d’effectuer une vérification des informations transmises et des avis donnés.
- Les informations ne sont pas transmises de façon sécurisée.
- Certains spécialistes se trouvent noyés sous les demandes urgentes envoyées directement sur leur téléphone (par exemple dans le cas de traumatismes de la face), ils n’ont pas les moyens de répondre à toutes les demandes à temps, de renvoyer efficacement les demandes à des confrères, selon l’urgence. Il apparait clairement qu’il est indispensable d’utiliser un système traitant les situations selon leurs urgence, la disponibilité des médecins, le tout en sécurisant les transferts de données.
- la télé-assistance : un médecin réalise une acte technique avec l’aide d’un confrère éloigné et des matériels connectés, le plus souvent au cours d'une opération.
- la téléconsulation : une patient, éventuellement accompagné d’un professionnel da santé (infirmier, pharmacien…), consulte un médecin à distance. C’est ce dernier cas de figure dont on entend beaucoup parler et qui soulève nombre de questions. La téléconsulation est effective depuis septembre 2018.
La téléconsultation, en pratique
Tout médecin peut recourir à la téléconsultation. Tout patient peut se voir proposer une téléconsultation, sur décision d’un médecin. Le patient peut refuser.
Une téléconsultation est facturée au même tarrif qu’une consultation en présentiel et, sous conditions, est pris en charge de la même façon par l’assurance maladie.
Quelles sont les conditions pour un remboursement ?
La téléconsultation s’inscrit dans le parcours de soins coordonnés. Le médecin généraliste référant doit avoir orienté préalablement son patient vers le spécialiste réalisant la téléconsultation pour une prise en charge par la sécurité sociale (sauf pour les spécialistes que l’on peut consulter en accès direct tels que les gynécologues, ophtalmologues…).
Le patient doit être connu du médecin qui réalise la téléconsultation. Dans la pratique, le médecin doit avoir réalisé une consultation physique dans les douze mois et détient le dossier médical du patient. Dans le cas contraire, la téléconsultation ne sera pas remboursée.
Ces conditions limitent fortement le recours à la téléconsultation mais participent à assurer la sécurité du patient et la qualité de la prise en charge.
Ces conditions excluent donc, dans la majorité des cas, le remboursement d’une téléconsultation réalisée via une plateforme internet privée puisque le patient n’aura jamais rencontré le médecin dans les douze mois.
Cependant, des exceptions existent à ces deux conditions, dans :
- les situations d’urgence,
- les patients de moins de 16 ans qui n’ont pas de médecin traitant déclaré,
- les patients ne disposant pas de médecin traitant ou dont le médecin traitant n'est pas disponible dans un délai compatible avec l'état de santé de la personne.
Dans ce dernier cas de figure, des patients sans médecin traitant (suite à un déménagement, un médecin parti en retraite, des problèmes personnels...) ou dont le médecin traitant est indisponible pourront bénéficier d’une téléconsultation via une organisation territoriale de soins de type centre de santé, maison de santé pluridisciplinaire… Ces structures accompagneront les patients qui n’ont pas de médecin traitant dans la recherche et la désignation d’un praticien. Grâce à ce système, des personnes pourraient retrouver un suivi médical de qualité. Les centres habilités a gérer ces cas sont en cours de désignation.
Lors de la consultation à distance, le médecin pourra rédiger une ordonnance si nécessaire.
Pas dans n'importe quelles conditions
Le principe de la téléconsultation doit être accepté par le patient et se dérouler dans des conditions préservant :
- le secret médical : la consultation dans un coin d’une pharmacie, entre le rayon des dentifrices et des produits solaires ou dans la rue est inimaginable ! De la même façon, l’utilisation de skype ou FaceTime est à proscrire, la confidentialité des données et des échanges n’est pas garantie ! Des solutions professionnelles et simples d'utilisation existent déjà.
- La connexion vidéo doit être de qualité pour éviter les pertes de données.
- si la palpation est nécessaire et qu’aucune personne qualifiée n’est présente (un autre médecin par exemple), le patient devra être renvoyé vers une consultation en présentiel. Même chose en cas d’impossibilité de prendre des mesures qui s'avèrent indispensables (tension par exemple).
Le paiement
Selon les conditions dans laquelle la téléconsultation est effectuée et la volonté du médecin, le paiement pourra se faire par carte bancaire, virement, chèque au moment de la consultation ou ensuite.
Où faire une téléconsultation ?
La téléconsultation peut se pratiquer chez soi mais aussi dans des structures de type maison de santé. Ce second cas présente plusieurs avantages. Le patient peut être accompagné par un professionnel de santé et bénéficier d’un matériel spécialement conçu pour la téléconsultation. Il s’agit d’un chariot avec, par exemple :
- un écran pour que le patient voit le médecin, des informations…
- une caméra vidéo que le médecin peut contrôler (mouvements et zoom) pour observer le corps du patient, faire des photos
- un tensiomètre et autres appareils de mesure qui transmettent directement les informations au médecin
- un lecteur de carte vitale
- le nécessaire permettant l'impression d'une ordonnance
Le chariot de téléconsultation est aujourd’hui déjà installé dans des Ehpad (et des centres médicaux) et offre de nombreux avantages. Nombre de personnes âgées, dans ces établissements, n’ont plus de médecin traitant ou celui-ci n’est pas en mesure de se déplacer pour une consultation en raison d’un emploi du temps surchargé. Dans le cas où il est nécessaire de transporter la personne pour consulter un spécialiste, le trajet peut être épuisant pour le patient. La téléconsultation résout, potentiellement, nombre de ses difficultés. Si les Ehpad le souhaitent, il est envisageable qu’elles ouvrent leurs portes à la population locale pour leur permettre de bénéficier de leurs équipements pour une téléconsultation.
D’autres lieux sont en cours d’étude. L’installation de « cabines » de téléconsultation est envisagée dans les pharmacies par exemple.
Oui mais…
La téléconsulation présente de réels avantages mais des questions demeurent. Selon le lieu et les conditions de la consultation (avec une personne et du matériel dédiés), le médecin pourra aller plus ou moins loin dans son diagnostic et sa prescription (mais en général, la téléconsultation étant proposée par le médecin traitant, celui-ci aura cerné si la téléconsultation est adaptée au patient).
Dans le cas où une personne assiste le patient (un infirmier dans un centre médical ou au domicile du patient ou un Ehpad par exemple) et que du matériel dédié est utilisé, des coûts supplémentaires sont engendrés. Si des aides existent actuellement pour acquérir le matériel dans les établissements et dans les cabinets des médecins, le coût du personnel dédié n’est pas pris en compte actuellement.
La téléconsultation nécessite une connexion internet optimum. Nombre de territoires en France ne disposent pas d’une connexion satisfaisante et n’ont donc pas accès à ce dispositif.
Aujourd’hui, alors que le dispositif débute, la disponibilité des médecins généralistes et des spécialistes reste réduite.
La protection des données
Il est indispensable que le médecin utilise une communication sécurisée avec son patient, les informations échangées, comme des photos par exemple, doivent être protégées. C'est pour cette raison que l'utilisation de Skype ou de FaceTime est à proscrire. Des entreprises proposent déjà des outils sécurisés, les informations n'étant stockées que le temps de la consultation. Si le médecin souhaite conserver certaines informations, c'est à lui de les registrer dans le dossier du patient qui continuera à être stocké "chez" le médecin comme au paravant.
Pendant ce colloque, nombre de personnes se sont inquiétées du vol des données échangées ou de leur commercialisation. Plusieurs éléments de réponse ont été apportés :
- En France et en Europe les réglementations protègent fortement les données médicales
- les données échangées durant la téléconsultation ne sont stockées que temporairement
- les entreprises qui proposent des outils sécurisés sont certifiées (certes, tous les trois ans "seulement").
Cependant, il apparait essentiel que patients et médecins s'informent régulièrement dans ces domaines pour agir de façon responsable.
La télémédecine, et plus particulièrement la téléconsultation, est porteuse de progrès et de confort pour les patients et les médecins. En définitive, il s'agit simplement d'utiliser les outils disponibles pour améliorer les soins. Ce ne sont pas des solutions "miracles" pour palier aux problèmes rencontrés actuellement sur les territoires. La télémédecine ne permettra pas de faire l'économie d'une réelle réflexion pour trouver des solutions aux déserts médicaux.
Dans nombre de cas, la téléconsultation est adaptée et offre la même qualité de soins qu’en « visuel ». Des études tendraient même à prouver que dans le cas d’une consultation avec un psychiatre, le patient se sent plus à l’aise et tire plus de bénéfices d’une téléconsultation.
Agence régionale de santé (ARS) Normandie (https://www.normandie.ars.sante.fr)
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